L'ambition d'être soi, par l'A/autre.
Ce qui contrarie l'interprétation des discours et demande de S. comme remparts contre l’acte est le penchant à l'agression qui émaille son parcours et le surinvestissement narcissique qui caractérise sa position subjective.
Ces deux éléments ne sont pas séparables, ainsi que le montre l'élaboration par Freud du type narcissique.
La détermination de ce type est dite essentiellementnégative[1], non parce que rien ne domine l’organisation libidinale de ce type, mais parce qu’aucune dialectique ne préside à cette organisation, donc, a priori, aucune tension interne. Car le conflit a lieu soit avec le dedans, soit avec le dehors. S'y dévoilent l’absence de la tension entre deux instances psychiques, ainsi que l’absence de la surpuissance des besoins érotiques.
C’est à bon droit que le troisième type, autre qu’érotique ou par contrainte, est appelé narcissique, nous dit Freud. Il n’est ni l’un, ni l’autre, défini par aucune domination au sens d’une coercition exercée, par la libido, ou sur la libido. Libéré d’être pieds et poings liés à l’amour ou d’être contraint dans ses attachements et leurs manifestations, le type narcissique semble être sans limite, et d’abord sans la limite qui restreint l’activité psychique à la réalité psychique et interdit l’acte antisocial qu’est l’agression d’un autre.
Ce qui occupe la place de ce vide est le fort degré d’agression[2], tout de suite indexé à l’instance moïque. Ainsi, rien ne dirige vers l’amour, ni ne limite ce qui est posé par définition comme étant toujours déjà là, à savoir l’agression du moi. Le fort degré d’agression peut se décliner en propension à l’activité. Le parcours de S. fait montre de l'un comme de l'autre.
Quant à l'activité, elle est intense : il participe à des ateliers artistiques, étudie des oeuvres littéraires et théâtrales, prend des cours de comédie. Elle est d'autant plus intense que le dynamisme qu'elle promeut a pour fonction, comme nous l'avons vu, de mettre à l'écart son problème avec les enfants.
Quant à l'agression, elle est au coeur du problème pour lequel il veut être pris en charge, car celui-ci ne s'énonce pas sur un mode sexuel, mais bien plutôt sur un mode agressif : il veut leur frotter la tête, intention immédiatement redoublée en un les taper, car leur présence le dérange.
En plus d'être au coeur du problème qui l'agite actuellement, le penchant à l'agression est déjà allé chez lui jusqu'à l'envie de tuer des gens : lorsqu'il insiste sur le fait qu'il fut toujours hospitalisé à sa propre demande, il évoque la fois où il a failli être hospitalisé de manière obligatoire, le médecin, alerté par ses propos, avait en effet appelé la soeur de S. Il affirme à la fois qu'il était alors vrai qu'il avait eu envie de tuer des gens, et que, même cette fois, il avait échappé à la perte de contrôle de son destin puisqu'il avait décidé de lui-même d’être hospitalisé. Il s'était arrangé pour éviter d'être l'objet de la loi.
Cette envie de tuer était née d'une situation professionnelle, lorsqu’il travaillait entouré de nombreuses femmes. Mis pour la première fois en situation d’agir comme un homme et de séduire l'une des femmes qui l’attiraient, il fut alors incapable d’en aborder quelqu’une. C'est l'agression qui vint à la place de la rencontre sexuelle, dont le risque était impossible à prendre : il y avait trop de femmes, il voulait les tuer, puisque les séduire se révélât impossible. La violence vient à la place de la possibilité d'assomption plus ou moins réussie d'une identification sexuelle[3].
L'agression est aussi au centre de son rapport à l'autre dans l'espace public. Car travailler ses textes va, pense-t-il, l'aider à lâcher prise, à se déculpabiliser.
L'illustration de l'effet de ce lâcher prise se réfère à l'acceptation de la passivité : il pourra sortir la nuit sans avoir peur de se faire agresser pour des raisons crapuleuses, il y aura alors lâcher prise, car il pense qu'il restera passif et s'en voudra énormément.
L'agression lui est renvoyée par l'autre et envahit le rapport à la nuit.
Survient une ambiguïté sur le fait de savoir si le lâcher prise porte sur le fait d'accepter ou non la position passive ou sur le fait de ne pas s'en sentir coupable. La passivité devant l'homme[4] mise en exergue ici est précisément le mode en lequel il avait des relations sexuelles régulières avec un ami plus vieux que lui, qu'il aime comme un père. Il l’a rencontré alors que celui-ci était son éducateur, et il refuse dorénavant que leurs relations prennent un tour sexuel, car il a peur d’être dominé. C’est la peur d’être dominé par l’homme qui fait seul barrage à d’autres relations homosexuelles, car les hommes l’attirent.
Ainsi lâcher prise peut bien être le fait de celui qui s'abandonne à ses pulsions, ce qui revient à s’adonner à la passivité, sans s'en sentir coupable.
Comme dans le cas de l'impossible engagement dans un rapport à la femme, s’introduit ici l’impossible position masculine et la problématique de la castration, ce qui laisse à penser que la fixation pédophile est sa solution schizophrénique à l'impossible identification virile : l’impossibilité de s’identifier dans son sexe, caractéristique d’une Bejahung fondamentalement défaillante, se résout dans un choix d’objet narcissique.
L'angoisse s'éprouve intensément dans son corps : son psychiatre évoque une pratique masturbatoire intensive, un onanisme pas même substitué[5], donc un envahissement par une excitation non bordée, et qui pourrait déborder sur l'autre. Il évoque ce que la représentation de l'acte sexuel produit en lui lors d'un entretien : lors du visionnage, dans son enfance, de films pédopornographiques, son corps était alors électrifié, ce qui image de manière saisissante comment l'excitation fait effraction dans le corps, fait exploser brutalement ses limites, de l'intérieur vers l'extérieur, le corps n'étant plus que traversé et défait par le feu du sexuel. C'est ce qu'il appelle son côté maso. Le côté maso et l'horreur de la jouissance peinte sur le visage des filles incarnent la violence subie de l'excitation débordante du corps.
Aucun des stigmates habituels de la psychose traitée n'apparaît chez S., il est affable, souriant, très sympathique même. Et s'il ne se souvenait pas de ma présence lors du premier entretien avec le psychiatre et la criminologue, lors des entretiens suivants avec la seule criminologue, il s'est investi dans le dialogue avec moi sans réticence, avec application, un humour de bon aloi et au bon endroit. Lorsque la criminologue s'est absentée quelques minutes, il ne m'a plus regardée et s'est tourné vers lui-même, c'est alors que ses gestes se sont mis à sortir de l'ordinaire, il s'est touché le visage, de ses doigts aux ongles légèrement trop longs, avec des gestes lents empreints d'hésitation.
A la tendance à l'agression s'ajoute la revendication de l'autonomie.
Au moment où il exprime vouloir faire tomber ce qui l'empêche de lâcher prise, contre quoi il se défend, et se contrôle, il parle notamment plus fort et rougit, comme si la déculpabilisation allait de pair avec une affirmation de soi, une volonté de supériorité sur ce qui l'entrave, en dépassement de l'interdit représenté par ses interlocuteurs. L'autre moment où il parle plus fort est lorsqu'il fait mention de son indépendance financière : dorénavant il fait beaucoup plus attention à son argent, hérité de sa mère, car ne veut pas de curatelle comme l'A.A.H., ce sont des carcans qui entachent l'image de lui-même, au même titre que le C.M.P., il veut s'en défaire. En dépit de son appel à l'aide à la spécialiste du crime afin de crever l'abcès, il s'oppose à toute subordination de son pouvoir, qui ferait tâche sur son narcissisme. Il refuse d'être incarcéré dans une autre loi que la sienne et refuse qu'on lui donne des ordres.
Cette ambition d'être soi s'appuie sur une idéalisation, qui lutte contre la délégation de son libre-arbitre à l'institution psychiatrique. C'est pourquoi le fondement qu'il octroie à la décompensation psychiatrique et à la perte cognitive afférente n'est pas relatif aux ordres cérébraux ou psychiques, mais à l'offense faite au moi du fait de sa soumission à l'Autre institutionnel, c'est-à-dire à l'abandon de l'autonomie : c'est parce qu'on est pris en charge qu'on finit par se laisser faire. Il conjoint essentiellement le fait de s'autodéterminer et le maintien de ses capacités.
Cette affirmation d'autodétermination est modulée par la reconnaissance d'être malade, il dit alternativement qu'il est schizophrène ou que son psychiatre le dit de lui, et il a insisté afin d'obtenir l'allocation handicapée alors qu'il n'en a nul besoin financièrement, comme s'il avait besoin malgré tout d'être intégré à un cadre institutionnel, qu'une faille psychique était reconnue par lui.
La revendication de l'autonomie va dans le sens du courant contemporain de l'empowerment des usagers de la psychiatrie, qui conditionne le rétablissement ou recovery, qui implique la déconstruction de l’indexation de l’identité à la nosographie psychiatrique, et vise l'émancipation vis-à-vis de l'institution.
L'agressivité est la manifestation de sa revendication de l'autonomie et la force qui monte en lui à l'évocation de ses entraves à sa liberté : elle incarne l'apologie agressive de soi[6]. Il affirme ainsi le caractère exceptionnel du malade qu'il est. Cette haine est au-delà de celle qui échut à ce qui limite le moi de par sa simple différence d'avec lui, ainsi que le conçoit Freud en 1921. L'affirmation narcissique est alors corrélée à l'agressivité : Dans les aversions et répulsions qui, de manière non dissimulée, se font jour à l'égard des étrangers qui sont à proximité, nous pouvons reconnaître l'expression d'un amour de soi, d'un narcissisme qui aspire à son auto-affirmation et se comporte comme si la présence d'un écart par rapport aux modalités de sa conformation individuelle entraînait une critique de ces dernières ... dans ce comportement des hommes se révèle une propension à la haine, une agressivité[7]qu'en note Freud rapporte aux pulsions de mort. Dans le cas de S., l'affirmation de soi dépasse les nécessités de l'auto-affirmation et prend une tonalité persécutive. La présence des enfants le dérange, la nuit les agresseurs sont rois, et la haine est sous-jacente au rapport à l'institution dans la mesure où elle s’ingénierait à limiter sa puissance et à le passiver : l'agressivité envahit le rapport à l'étranger, en un excès psychotique de la nature paranoïaque du moi[8].
Lorsqu'il évoque son envie de vengeance contre les enfants, il précise qu'il s'agit de se venger contre son enfance qui s'est mal passée, contre un adulte qui venait faire des avances aux enfants quand il jouait au théâtre enfant, certains parents ne disaient pas non, l'adulte faisait des cadeaux. Il ajoute qu’il répétait alors le Petit Prince, ce qui constitue une référence dont la redondance avec la situation saute aux yeux, qui plus est elle représente magistralement l'oeuvre sur l’innocence qu’il incarne sous la forme de l’angélisme, inquiétant dans ce contexte, et qu'il s'agirait de bafouer.
L'interdit qui selon lui ne fut pas prononcé par les autres adultes, S. en cherche le recours auprès des thérapeutes tout en mettant le doute sur sa possibilité, précisément par son affirmation de la complicité parentale, dont sa mère est exceptée. Il ne semble pas du même bois que Richard III tel qu'analysé par Freud, à qui il est permis de commettre lui-même l'injustice, car l'injustice a été commise envers lui[9]. La faute originelle de l'Autre à l'égard de Richard III produit l'abandon de tout projet d'identification à une instance symbolique et la naissance du surmoi criminel[10]. Si le surmoi de S. n'est pas criminel, il veut toutefois demeurer maître de l'administration de la justice punitive, en conservant l'aveu à distance et en prenant en charge l'instauration du rapport à la loi.
Non seulement le penchant à l'agression et le surinvestissement narcissique ne sont pas séparables, mais ils sont propres aux criminels. En effet, pour le criminel deux traits sont essentiels, l'égoïsme sans limite et la forte tendance destructive[11]. Nous pouvons donc nous demander si des éléments de psychopathie contreviennent à l'hypothèse selon laquelle les discours et demande de S. font rempart contre l'acte.
En effet, d'une part, que l'étranger soit pris dans la Stimmung de la haine, que, d'autre part, l’agression remplisse le vide de la détermination du type narcissique, laissent à penser que le moi dont il est question ici n’est pas tout à fait le moi du narcissisme secondaire, siège de la propension à l'agressivité décrite par Freud en 1921.
La dépendance vis-à-vis du monde extérieur, que présentent le type érotique et le type par contrainte, s'institue du rapport à un objet, incarné soit par l’objet à s’approprier par et dans l’amour, soit par l’objet intériorisé qui interdit, donc incarné dans les deux cas par un objet dont il ne faut pas perdre l’amour, qu’il soit externe ou interne. Que l’agression soit ce qui remplit le vide d’une organisation dite indépendante du monde extérieur dessine le portrait d’un individu subsumable sous le type narcissique comme celui qui, à la différence des autres, n’a rien à perdre.
Qu'est-ce que l'objet pour le psychopathe ? Voyons ce qu'il en est chez un criminel tel que Guy Georges.
Le stade narcissique est d’abord celui de l’absence même de monde extérieur, pas seulement dans le sens où l’extérieur n’est pas saisi comme tel ou indifférencié dans un bouillon de haï, mais dans le sens où à l’origine le moi contient tout[12].
Que l’agression caractérise le moi peut précisément être compris comme correspondant originellement à la deuxième étape de la fiction logique du moi construite par Freud dans Pulsions et destins de pulsions en 1915 : sous la pression du déplaisir, à la fois d’origine interne et externe, et sous la domination du principe de plaisir[13], le moi fait sien les objets sources de plaisir et expulse hors de lui les objets sources de déplaisir. Ces derniers sont référés à l’interne uniquement, l’expulsion concerne ce qui appartient à son intérieur propre. Quid de l’objet externe qui n’est pas source de plaisir et n’est donc pas accueilli ? Il ne s’agit pas d’objets particuliers, c’est la définition même de l’objet en tant que distinct du moi, qu’il s’agisse d’un objet interne dès l’origine ou initialement de l’extérieur : l’externe, l’objet, le haï seraient, au tout début, identiques[14]. L’objet n’existe pas en tant qu’objet, c’est-à-dire comme ce avec quoi un lien pourrait avoir lieu. Il y a une coupure originelle d’avec l’objet, qui fait qu’il reste extérieur en tant qu’extériorité radicale. Le moi n’a de rapport qu’avec lui-même, source interne ou objet intériorisé, et le reste est l’étranger perturbateur.
Le stade du narcissisme est caractérisé par le fait que l'objet est dehors et que j'en jouis à la surface de mon corps. Or la caractérisation de l’auto-érotisme est chez Freud d’un abord compliqué. L’auto-érotisme est dit corrélatif du stade qui n’admet aucun rapport au monde extérieur en tant que tel dans Pulsions et destins de pulsions, en même temps, il est dit, dans un texte souvent révisé et donc assumé jusqu’au bout par l’auteur, succéder à la possibilité pour l’enfant de former la représentation globale de la personne à laquelle appartenait l’organe qui lui dispensait la satisfaction[15]. Avant cette formation, le seul objet sexuel est le sein, en dehors du corps propre. Le moi est d’abord coupé de l’objet, ce que Freud explicite au cours de sa généalogie de l’objet : Lorsque la toute première satisfaction sexuelle était encore liée à l’ingestion de nourriture, la pulsion sexuelle avait un objet sexuel en dehors du corps propre[16].
Il y aurait d’abord un objet dehors, puis la représentation de l’autre total, puis le rapport sexuel à soi. La Chose, puis l'Autre lacanien, qui inflige au sujet le sexuel, résout cette aporie. Des zones érogènes sont élues comme lieux de jouissance, ce qui constitue non pas un mode de rassemblement de la pulsion en une unité, mais une organisation singulière du pulsionnel. Pour Lacan, dans l’auto-érotisme, les petits a sont dans le désordre[17]. D’où le manque de soi dans l’auto-érotisme.
La haine semble être la force qui préside à la mise à mort d’une femme par G. Georges : Au bout de 17 jours de cavale, [il] se réveille un matin dans un état d’excitation intense…Il sort, poussé par ce besoin, guidé par une force [dit-il]…envahi par des envies de viol, ou pire encore[18]. Mais la haine n’est pas reconnue comme motif par l’auteur, comme le rapporte le policier qui prend sa déposition : je n’ai pas trouvé de haine chez Guy Georges. Il en déduit bizarrement mais adéquatement que C’est un problème psy[19]. Celui qui est habitué à découvrir les motifs crapuleux, des motifs habituels de rivalité haineuse entre les hommes, n’en décèle pas chez le criminel sexuel en question, à raison puisqu’il s’agit d’une haine inconsciente, relevant en effet du registre du psy.
La haine suppose un objet reconnu comme tel car, si l’agression est nécessaire à l’expulsion qui participe à la domination du principe de plaisir dans le deuxième développement du moi dans Pulsions et destins de Pulsions, l’objet n’est pas même haï en tant qu’objet dans ce temps logique construit par Freud. La relation haineuse du moi à l’objet suppose le passage au stade d’objet[20]. L’expulsion, ou le fait de jeter loin de [soi] tout le mauvais[21], correspond à une des fonctions du jugement et précède l’épreuve de réalité[22], qui permet de s’emparer de la chose si besoin est.
La pertinence de la référence à ce passage de Freud afin de comprendre ce qui est en jeu dans le crime réitéré et destructeur de l'autre est confirmée par la référence à ce moment mythique par l'un des experts de G. Georges : Ce qui caractérise les tueurs en série, c'est l'absence de haine consciente à l'égard de la victime ... Le monde entier est réduit à l'autre, et le supprimer c'est retrouver la jouissance de ce temps où le sujet était le monde entier ... ce qu'éprouve le criminel ... est que rien n'existe en dehors de ces retrouvailles avec son narcissisme primaire[23].
Le statut de l’objet au stade purement narcissique[24] est intéressant en ceci qu’il présentifie une vérité du rapport du sujet à l’objet, dans la mesure où le premier est structurellement coupé du second, lors de l’instauration de la domination du principe de plaisir. Avant que le dehors ne soit l’étranger, lors de la première étape de la fiction du moi établie par Freud, le monde extérieur est pour ce qui est de la satisfaction, indifférent[25] et l’indifférence est un cas spécial de la haine, son précurseur[26]. C’est dire aussi que l’absence de considération pour l’autre violenté peut être compris dans le registre de l'indifférence, en tant que l'autre n’est pas représenté comme individu dans le psychisme de l’auteur de la violence, et non comme objet assujetti à la domination au sein d’un lien pervers. C’est comme si l’objet appartenait au dehors qui demeure tout entier étranger, d’où l’indifférence vis-à-vis de l’objet dont on s’empare, qui est l’indifférence de l’auteur de la violence à l’égard de la personne-objet de la violence, ce que D. Zagury, appelle l'indifférence à la terreur qu’il [le criminel] transmet[27]. L’indifférence est aussi une arme : lors de l'agression de la seule rescapée d’une de ses attaques, il dit, lorsqu’elle refuse de se soumettre à sa demande de s’allonger, tu sais, je peux te tuer, ça ne change rien pour moi [28]. Selon le rapport rendu par les psychiatres lors de son procès, G. Georges agit de sang-froid, sans pitié mais sans haine non plus, car reconnaitre sa haine reviendrait à reconnaître un sentiment humain sur une personne humaine[29].
Il n’y a en quelque sorte pas de monde dans l’origine logique dégagée par Freud : ni interne, puisqu’il y a une perméabilité entre le dedans et le dehors (accueil/ expulsion), ni externe, puisque le moi est sans rapport avec ce qui n'est pas lui.
C'est ce qui fait dire à D. Zagury que l'objet-victime est aux limites de l'auto-érotisme ... il incarne cet objet partiel du corps propre, détaché, sacrifié[30].
L'objet ne serait ainsi ni coupé du sujet, opération qui vide l'Autre de sa jouissance[31], comme pour le névrosé, ni non plus non coupé et envahissant le corps d'une jouissance non symbolisable comme pour le psychotique, l'objet-victime a un autre statut : il est intégré à une sorte d'hétéro-auto-destructivisme, ou auto-érotisme par l'autre et dans la destruction, opération de destruction de l'autre rattaché à soi en tant qu'il permet l'expulsion de l'étranger en soi, de la haine.
Selon Claude Balier, référence très utilisée dans la prise en charge des auteurs de violence sexuelle, il faut distinguer les passages à l'acte, dictés avant tout par le besoin de décharge ... et les passages à l'acte dont la visée est meurtrière ... destinés à faire disparaître l'objet menaçant la continuité narcissique[32]: la violence des seconds est paradoxalement explicable par la nécessité de sauvegarder l'existence de l'objet, d'une manière singulière et paradoxale alors que les premiers, passages à l'acte de psychotiques, supposent un désinvestissement massif des objets, suivi d'une reconstruction délirante[33]. Les passages à l'acte non psychotiques ont donc pour origine que le petit autre menace le moi du narcissisme primaire.
L'on peut remarquer que les élaborations théoriques des praticiens ayant affaire aux auteurs de violence sexuelle se réfèrent très souvent à ce temps logique du narcissisme primaire. Or la nécessité de prendre en compte l'existence d'un autre total comme objet-victime apparaît dans ces élaborations, en l'occurrence comme inversion imaginaire de la terreur en indifférence. Cette nécessité relève d'un autre registre[34] que celui du narcissisme primaire. Il y a donc un autre et en même temps il n'y en a pas.
Le défaut d’étayage, autre voie de retrouvaille de l’objet, a pour conséquence l’absence radicale, au moment du passage à l’acte, de la pitié constitutive des rapports sociaux. De la femme qui a réussi à se sauver de son attaque et qui signe ainsi sa faillibilité, G. Georges dira la chose suivante : Pour être honnête, je n’éprouve rien pour elle, je mentirais si je disais que j’éprouve de la pitié [35]. Selon D. Zagury, ces hommes fragilisés n’ont pas accès … à des moments dépressifs[36], l’on peut ainsi penser qu’un défaut de la position dépressive, coextensive à l’accès à la représentation globale de l’autre, laisse ouvert l’accès au monde psychotique qui précède l’abord de cette représentation, et permet la plongée dans le monde tripier[37] de la psychose préhistorique décrite par Mélanie Klein.
L'on peut se demander si, à la différence du psychopathe, la fixation pédophilique ne constitue pas une mise au travail de la haine, un moyen de fixer la haine et la jouissance sur un objet narcissique, et non auto-érotique. Et une mise au travail que S. adresse à l'Autre institutionnel.
En effet, dans le récit d'une rencontre avec un enfant, S. met la sexualité au centre de cette rencontre, alors que c'est le sadisme qui est l'objet de ses déclarations quant à son élan. L'amour des enfants[38] permet de distinguer le pervers pédophile du pervers sadique, car tout y est fait pour que l’enfant devienne lui-même « le sujet de la jouissance » que le pervers se dévoue à servir[39], ce qui s'incarne par l'idée que l'enfant est le grand séducteur de l'histoire. Or, l’on peut penser que ce récit est une fiction pédophile recouvrant une pédophobie au sens de la haine de soi.
S. se distingue du psychopathe, pas seulement par l'adresse de l'élaboration de sa haine, mais aussi par son investissement du monde social.
Chez G. Georges, l'idéal du moi s'est rabattu sur un moi idéal déshumanisé.
En effet, conformément au génie de Freud, l’on retrouve chez ce criminel une identification à l’une des illustrations freudiennes du narcissisme dans le sens de l’indépendance vis-à-vis du monde extérieur : il s’identifie à l’un des grands animaux de proie[40], le tigre. En effet, dans une lettre de la prison à sa petite amie, il cerne son moi idéal, dans un contexte de dévaluation de la société, qui [l]’a déséquilibré[41], et d'idéalisation de la nature : L’amour, c’est dans ce milieu [la vraie nature] que je l’aurai eu. J’adore le tigre et j’essaie d’y ressembler. Parce que le tigre est intelligent, puissant, résistant, respectueux et débrouillard, un très bel animal. En compagnie d’un pote d’école, fils d’un propriétaire de zoo, je suis rentré dans leur cage. Je n’ai pas eu peur d’eux et eux n’ont pas été hostiles. J’ai pu les caresser et j’ai compris qu’ils n’étaient pas plus dangereux que les hommes. Pourquoi je ne suis pas rentré de permission ? Eh bien, parce que je ne voulais pas devenir un prisonnier volontaire. Ca m’était impossible d’aller sonner à la porte pour retrouver ma cage. C’est lors de cette permission qu’il commet son premier viol trouvant issue dans le meurtre.
Cette identification a pour fonction de légitimer le désabonnement des règles sociales et de fonder la revendication de privilèges[42], qui caractérise le narcissisme. G. Georges veut être beau, puissant, et libre comme le tigre devrait l’être, élu qu’il est du règne de la nature. Cette identification animale, à la fois déshumanisante et antisociale, associé à un refusement originel majeur du monde extérieur, a pour conséquence une grande quantité de libido laissée libre, donc non-érotique, ce qui conditionne le crime. L’identification à l’animal est forte, et l’insertion dans la loi de la nature dégage de la nécessité de la pitié pour la victime, du fait des règles du règne animal.
Ce qui est certain est qu'à la différence du psychopathe et du criminel, S. a quelque chose à perdre.
Les psychopathes, ou personnalités antisociales ... vivent au jour le jour dans le défi, sans s'éprouver véritablement dans la suite de leur histoire et dans l'anticipation de leur avenir[43]. Avant l’obtention de son héritage, S. a eu l’occasion de prendre sa vie en main : afin de se séparer de sa mère, qui [le] bouffait, il a quitté le domicile familial, s’est installé dans un foyer de jeunes travailleurs pendant cinq ans et a occupé divers emplois. Par ailleurs, la réalisation de son film, qui implique de passer des petites annonces, de faire passer des castings à des comédiens, de diriger leur jeu, de louer du matériel, de monter le film et de chercher un exploitant, est effectuée par lui seul, avec le capital de l’argent maternel.
L'investissement du monde culturel est très important pour S., il a une ambition artistique et sociale à laquelle il consacre beaucoup d'efforts et il vise à l'inscription sociale de son ambition, il n'y travaille pas que pour lui-même. Il fait preuve d'un pragmatisme certain lorsqu'il avance qu'il a décidé de ne pas entreprendre d'études universitaires car le cursus eut été trop long et qu'il n'a pas le tempérament adéquat. Le problème qui se pose à lui est que la mise en œuvre de l’exécution de ses projets professionnels ne tient pas : il voudrait à la fois être psychologue, éducateur, cinéaste, avocat, et ne peut fixer de ligne directrice à ses efforts, qui conduirait à un achèvement quelconque. C’est la raison pour laquelle il se rend au CPOA : il ne parvient pas à donner un sens à sa vie, exprimant par là une douleur d’exister commune, mais à laquelle il cherche un recours qui lui appartient en propre. De ces multiples identifications sociales, l'on peut dire que si elles n'empêchent pas le vide de surgir, elles le protègent peut-être de la psychopathie.
S. se livre quotidiennement à une mise en jeu dans les jeux de la vie[44], dans le travail intellectuel, dans sa capacité cognitive, dans sa propre histoire, ce que montrent les six années de cure psychanalytique à laquelle il s'est livrée, en somme, dans la recherche du sens.
Comme le rapporte C. Balier, la psychopathie est considérée par de nombreux thérapeutes comme étant plus proche de la psychose que de la perversion ... et la répétition du passage à l'acte aurait pour fonction de protéger le sujet [psychopathe] de la désorganisation psychotique[45]. Malgré l’existence en S. de certaines des caractéristiques de la psychopathie, variabilité de l'humeur et des émotions ... impulsivité ... appétence pour les drogues, la principale caractéristique, qui fait du psychopathe une personnalité antisociale, à savoir l'absence de conscience morale, de sentiment de culpabilité, d'empathie pour autrui[46], S. n'en fait pas montre, bien au contraire. Et sa construction psychotique pourrait, au contraire, le protéger de la psychopathie.
Au cours des entretiens, S. mentionne la mise en jeu suprême dans les jeux de la vie : il affirme qu'il n'a jamais fait de mal aux enfants, sinon il n'aurait pas eu envie de vivre, même si personne ne le savait, même s'[il] étai[t] en liberté. Le suicide auquel il dit ne pas penser d’ordinaire est ainsi évoqué comme issue punitive du passage à l'acte. Le crime contre soi est mis en balance, en tant qu'autopunition, avec le crime contre l'autre. Après l'acte, c'est la vie qui est impossible, comme si l’historisation de soi prenait alors fin. L'on entend qu'il ne pourrait pas être cet homme-là.
A rebours, cette évocation confère à l'acte contre lequel il se défend la puissance de mise en jeu suprême dans les jeux de la vie, d'où d'ailleurs son caractère obsédant. L'on peut ainsi y entendre : soit je le fais, soit je me suicide.
L'on peut faire l'hypothèse que la fiction, recours du névrosé selon Freud face à la double nécessité d’investir une mise importante dans les jeux de la vie et de ne pas prendre le risque de mourir, n'est pas accessible comme fiction interne à S.
André Ciavaldini[47] se demande si dans la violence sexuelle nous ne serions pas davantage dans le domaine de la violence que dans le domaine du sexuel, donc dans un registre qui exige un objet réel, l’appropriation d’un objet-à-portée-de-main, qui n’est pas nécessairement un objet encerclé par le fantasme.
Par exemple, dans le cas de C., évoqué en réunion clinique au SPIP, la dernière agression sexuelle dont le sujet s’est rendu coupable sur une jeune fille, qui comprend une exhibition et des attouchements, est introduite par la phrase suivante, qui s’approprie le corps de l’autre : t’as de belles fesses, tu ne vas pas les garder pour toi. C'est d’abord une violence avant que d’être une violence sexuelle. Car la contrainte, qu’elle soit d’ordre administratif, législatif, ou social, est par ailleurs impossible à assumer par le sujet. La position de l’individu est avant tout antisociale et sans limite, qu’il s’agisse d’assurance automobile ou du corps de l'autre.
Au contraire, quand bien même l'agressivité et la haine envahiraient le rapport à l'étranger, S. tente de leur donner un lieu et de chercher un recours auprès d'une instance externe, de l'ordre de la loi.
Et pas seulement en allant au commissariat afin de déposer une main courante contre lui-même : la recherche d'un rempart contre sa fixation pédophile ou pédophobe est le coeur de sa demande vis-à-vis de l'institution, ce qui le sépare de l'indépendance des individus subsumables sous le type narcissique vis-à-vis du monde extérieur.
Encore un effort de division.
Il n'est pas aisé de démêler dans le discours de S. l'authentique peur de passer à l'acte sur des enfants et le jeu du chat et de la souris avec ses interlocuteurs. Pourtant, demeure une donnée essentielle : le discours de S. et son appel au spécialiste de l'acte criminel témoigne de l'ébauche d'un conflit interne vis-à-vis de la possibilité de l'acte.
S. semble provoquer la loi, par sa demande d'aide, la provoquer, mais aussi l'invoquer.
S. développe ainsi la raison pour laquelle il va si souvent au C.P.O.A. : il est alors sûr d'être hospitalisé, ce qui n'est pas le cas s'il va voir son psychiatre. Il a donc besoin, lorsque la sensation de vouloir faire du mal aux enfants augmente, sensation dont nous avons vu qu'elle était contemporaine de la perte du sens de la vie, d'un cadre qui excède celui de la séance thérapeutique, d'un cadre de nature différente de celui du transfert au psychiatre. La criminologue lui dit alors que s'il continue à s'y rendre si souvent, l'équipe du C.P.O.A. va se poser des questions et peut-être finir par l'hospitaliser de force, S. répond alors : si on ne prend pas de risque, mais si on ne crie pas au feu, au fou, je peux crier, il n'y a pas de souci, ça ne change rien.
C'est le loup de la fable attribuée à Esope qui se trouve éludé dans cette phrase : il est le garçon qui criait au loup. Cette référence en creux, qui se cherche et échappe au discours, nous renvoie à la difficulté de démêler le vrai du faux du discours de S., à la question de la vraisemblance du danger et du mensonge. Car pour la criminologue, ce discours a pour fonction de dissimuler un acte passé, de détourner l'attention en quelque sorte. Même dans ce cas, la stratégie mise en place doit avoir une fonction dans l'économie psychique de S. et ne cesse pas pour autant de revêtir les aspects d'une demande.
Le défi des instances représentant la loi, qui peut caractériser le pervers[48], est créé de toute pièce par S., puisque rien hormis lui-même ne le soumet à la nécessité de parler de son problème.
La mise au défi de la loi humaine par le pervers n'est pas réalisée au profit d'une absence de loi, mais au nom de la suprématie de la loi naturelle[49]. Le postulat de la préséance de la loi de la nature, qui est la loi de la jouissance, sur la loi fabriquée par l'homme, est présente dans la philosophie, dans l'oeuvre du Marquis de Sade[50], dans la littérature, chez des écrivains faisant de leur pédophilie la matière de leur oeuvre, tel Tony Duvert[51], et ravalée dans l'identification de G. Georges au tigre.
Nulle revendication de ce type chez S., nul cynisme, au contraire il dit que ça lui donne les larmes aux yeux de penser que c'est dégueulasse de faire ça avec des enfants. L'on pourrait mettre la pitié déclarée pour l’enfant-victime dans le registre de la comédie, comme le glissement de la raison de l'émotion de l'acte à l'interdit de l'acte nous invite à le faire. Cette ambiguïté entache en effet l'angélisme avec lequel il se présente, innocent, innocent lorsqu'il se promène nu chez lui, la criminologue lui rappelant que c'est interdit par la loi, innocent de ce que son discours pourrait dire de la possibilité de l'acte, le flou de ses souvenirs le laissant innocent. Lors de son premier appel au CeRIAVSif, la criminologue lui a demandé s'il était déjà passé à l'acte, il répondit alors : je n'ai jamais été jugé. Innocent, jamais jugé. Cet angélisme est l'envers du sadisme qui dirige ses pensées vers les enfants. Cette ambiguïté relative à la loi est saisissable dans d'autres énoncés : je souffre car j'ai peur que ça [mes envies] devienne légitime, j'aimerais que ça devienne autorisé. Le discours de S. introduit un jeu avec ce qui est permis, légitimé par la loi morale, légalisé par la loi positive, en somme, un jeu avec les différents versants de la loi.
Pourtant, deux faits illustrent de manière patente l'existence ou la création d'un conflit, faits qui font exception dans le stratégie perverse de défi, secret ou partagé entre élus.
Outre que, comme nous l'avons vu, il a tenté de déposer une main courante contre lui-même au commissariat, après avoir ressenti le besoin de tuer les femmes inatteignables, le rapport à l'enfant fut déjà auparavant l'objet d'un sabordement de l'intention perverse. En effet, désirant travailler dans une école élémentaire, ce fait à lui seul suggérant un jeu dangereux avec lui-même, il demande à son médecin généraliste une attestation lui permettant de le faire, et lui parle de ce qu'il nomme ses pulsions pédophiles, ce qui conduit évidemment à ce qu'il n'obtienne pas cette attestation.
Ces deux faits indiquent la recherche d'une butée, d'une butée externe, d'une incarnation surmoïque dans la réalité. La demande de prise en charge de S. pourrait ainsi prendre la fonction de pare-feu externe, d'un garde-fou ou plus exactement d'un garde-pervers.
Cette position témoignant d'une conflictualité le distingue à la fois du pervers de divan, qui défie la loi, et du pervers de prison, qui a besoin des murs de l'institution pénitentiaire pour voir ses pulsions s'affaiblir.
D. Zagury, directeur d’un autre centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violence sexuelle, distingue en effet le pervers de divan, qui met en scène un scénario, et le pervers de prison, qui met en acte sa destructivité[52].
Trois cas exemplifient ce qu'on appelle les pervers de prison.
Dans le premier, présenté au SPIP, l’agression sexuelle d'un jeune homme par un homme mûr n’a lieu que trois semaines après sa libération à l'issue d'une incarcération pour les mêmes faits et ne semble être que le moyen de retourner au statut de prisonnier, ce qui met en évidence la nécessité du caractère réel de la loi par le truchement de la matérialité du cadre carcéral.
Le second, un cas de pédophilie incestueuse rapporté par Gilles Antonowicz dans Agressions sexuelles, la réponse judiciaire[53], montre que la loi n’est pas, pour la mère, à proprement parler, impossible. La loi et l’interdit sont, à la limite, l’objet d’un savoir, mais ni la loi ni ce savoir aux confins n’ont de prise sur le psychisme. L'enfant fut utilisé sexuellement par sa mère et son beau-père pendant des années. Sa mère incarcérée s’explique de la façon suivante : Je voulais qu’elle soit initiée, je reconnais que nous sommes allés un peu loin, surtout quand je vois que je me retrouve en prison. L’évocation d’un dépassement seulement quantitatif de ce qui est admis indique qu’il n’y a pas de coupure définitive entre ce qui est permis et ce qui n’est pas permis. L’on passe sans rupture de ce qui interdit mais pas trop, donc permis mais un peu interdit, à ce qui est plus interdit, donc moins permis. L’absence de l’indexation de l’acte à la loi, y compris comme transgression, est confirmée par le fait que la loi ne s’incarne que par les murs et reste extérieure au sujet. La loi n’est que réelle.
Le troisième est G. Georges. Lors de ses premiers aveux au policier, il dit lui-même : J'ai vu plein de psys, je mérite la mort mais la justice ne la donne plus, si je sors de prison, je recommence[54]. Au procès, il dira : En fait, j'ai été soulagé [d'être interpellé], de ne pas pouvoir recommencer. Je me suis aperçu que, depuis que je suis en prison, je n'ai plus de pulsion de ... comme avant. Peut-être que c'est normal, j'sais pas. Peut-être que ça l'est pas[55]. Si, pour ce psychopathe sadique, la loi réelle fait disparaître la pulsion, son rapport à la loi est pourtant également caractérisé par le défi. D'abord, il commet son premier meurtre le soir de sa première permission dans le cadre d'une incarcération pour viol. Il rentre ensuite en prison et met son acte au crédit du juge qui a décidé de le laisser sortir c’est son problème, tant pis pour lui[56]. Ensuite, durant son incarcération, il a demandé au juge d'instruction qui a dirigé l'enquête menant à son interpellation de l'aider à éditer son autobiographie qui, à la différence du procès, dira la vérité de l'affaire[57]. Enfin, lorsqu'il revient sur sa tentative de meurtre de l’une de ses sœurs de lait, dans une lettre à sa famille d'accueil, il est sarcastique : quinze ans de prison c’est long, et tout ça à cause de Mademoiselle Christiane [le prénom de cette soeur]… Et surtout qu’elle ne vienne pas s’excuser d’une manière ou d’une autre car je risquerais d’être très méchant avec elle. Toutes les années qu’elle va me faire prendre c’est gratuit pour elle, mais pas pour moi[58].
Contrairement aux pervers de divan, la loi n'a d'existence pour les pervers de prison que lorsqu'elle tombe sur eux de l'extérieur.
A la différence d'une ignorance fondamentale de la loi, d'une position de défi qui s'appuierait soit sur le refus de ce qui s'oppose à la revendication d'agir par le privilège d'être soi, soit sur la supériorité d'une loi relativement à une autre, la demande d'aide adressée par S. au spécialiste institue un rapport à la loi qui n'est ni celui du pervers de prison, ni celui du pervers de divan. Ce rapport institue, pour le sujet psychosé, une tentative de refoulement, qui n'a pas eu lieu auparavant, une tentative d'intériorisation ou d'introjection de la loi.
En effet, les expressions qui émaillent le discours de S., il n'a jamais fait de mal aux enfants, sinon il n'aurait pas eu envie de vivre, même si personne ne le savait, même s'il était en liberté, c'est vraiment dégueulasse,c'est très culpabilisant, ce qui est normal, indiquent une recherche d'introjection de la culpabilité, alors que, dans le même temps, son discours affiche la visée d'une déculpabilisation.
Car après avoir évoqué la rencontre avec un enfant de sept ans, il ajoute que c'est un effort énorme de parler de cela, il en a parlé avec sa psychologue de T.T.C., mais ça n'avance pas car il est sur la défensive, il sent pourtant que ça l'aiderait à se déculpabiliser, il parle alors plus fort, rougit, ça l'aiderait à lâcher prise, ce dont il se défend, se contrôle, comme lorsqu'il vérifie la présence de ses clés dans sa poche et regarde tout le monde autour de lui.
Le surmoi n'est pas véritablement interne, en tant que cette instance est accueillie dans le moi, mais en lui elle s'oppose, comme instance particulière, au reste du contenu du moi[59].
Mais il n'est pas non plus complètement externe comme dans les affections paranoïdes qui font apparaître par la régression au premier plan[60] les voix transmettant l'influence critique des parents et de la société. La grosse voix du surmoi est également l'objet de la demande insistante de S.
Le thème de l'inhibition est présent dans son discours : son deuxième film est distingué du second précisément par l'accès à zéro timidité, et c'est sur sa timidité qu'il travaille avec sa psychologue T.T.C. L'inhibition peut évidemment constituer un signe important du retrait de la libido du monde extérieur chez le sujet schizophrène. Toutefois, en l'occurrence, il n'est peut-être pas souhaitable d'encourager le processus de désinhibition.
Les inhibitions spécialisées, ou névrotiques, peuvent avoir pour fonction d'éviter de devoir procéder à un nouveau refoulement, pour esquiver un conflit avec le ça ou être au service de l'autopunition ... pour ne pas entrer en conflit avec le surmoi. Se prémunir contre une satisfaction du moi ou du ça implique dans les deux cas l'intervention du surmoi. En tant qu'inhibitions plus générales du moi, elles peuvent être dues à l'appauvrissement de l'énergie du moi issue d'une tâche psychique d'une difficulté particulière[61]. Elles sont par définition des restrictions des fonctions du moi[62]. Le déplaisir, sous la forme de la peur, est produite par le discours de l'Autre institutionnel et spécialisé, mais aussi par l'absorption de l'énergie vers un unique objet, l'obsession de l'enfant.
Freud conclut de sa description de l'inhibition qu'il est facile de la distinguer du symptôme : le symptôme ne peut plus être décrit comme un processus dans le moi ou au niveau du moi. Car la formation de symptôme exige le processus du refoulement : le symptôme naît de la motion pulsionnelle endommagée par le refoulement[63].
Or il n'y a pas ici de satisfaction substitutive constituée en symptôme et qui nécessiterait d'être déchiffrée, car, comme dans le cas du patient de Tausk que rapporte Freud, S. peut communiquer sans résistance la signification de ses inhibitions. Plus encore, la mise en jeu du symbolique, qui met en relation par exemple les mailles du tissu et l'orifice sexué féminin[64] ne semble pas même à l'oeuvre dans le cas de S. L'élan vers les enfants n'est pas repoussé hors de la conscience et n'est pas substitué : le travail des procédés du processus primaire de l'inconscient présuppose le refoulement originaire[65], qui n'est pas la plupart des refoulements auxquels nous avons affaire dans le travail thérapeutique[66]. Les séances avec S. constituent-elles une exception à ce qui arrive le plus souvent ?
L'évocation par S. du suicide en réponse au passage à l'acte s'oppose au mécanisme du clivage qui, chez l'agresseur sexuel récidiviste, range le souvenir loin de la conscience et permet un fonctionnement dénué d'angoisse paralysant le quotidien. Par exemple, G. Georges, malgré une position sociale essentiellement constituée par l'errance, a su s'intégrer à une communauté de liens, qui incluait un psychiatre. L'incarcération n'a pas donné lieu à la dissolution de tous ces liens, beaucoup de ses amis restant fidèles à l'homme bien sympathique[67] qu'ils avaient connu. L'opération du clivage lui permet d'entretenir des relations sociales adaptées à son milieu, à côté de ses actes criminels. C'est l'aspect de la guérison apparente de la psychopathie[68] : l'attitude normale prévaut sur l'anormale.
A la suite de la mention du suicide, la criminologue évoque en effet devant S. la notion de clivage, explicitée ainsi il l'a fait, il ne l'a pas fait, à la suite de quoi S. fait directement allusion à une journée qu'il a passée avec sa nièce de sept ans, lui en avait quatorze. D'autres enfants du même âge que sa nièce étaient présents, et la mère d'une petite fille lui a dit à la fin de la journée qu'elle ne voulait plus le revoir. La criminologue lui demande s'il avait touché un des enfants, S. dit qu'il ne s'en souvient plus. Elle ajoute que cette amnésie le protège, il répond que c'est la mémoire sélective, ça m'arrange de ne pas m'en souvenir. Il nous questionne alors d’une manière éperdue qu’est-ce qu’il se passerait si je le disais. La criminologue l'assure de la perpétuation du suivi le cas échéant.
Dans La psychanalyse et l'établissement des faits en matière judiciaire par une méthode diagnostique[69], Freud suppose que le sujet pénal connaisse la vérité en toute lucidité et la dérobe volontairement aux représentants de l’instance judiciaire. Certains faits judiciaires montrent que la construction délirante envahissante dans laquelle peut être plongé un sujet, y compris durant l'interrogatoire policier, ne l'empêche pas de résister à l’aveu du crime, de nier sa responsabilité malgré des données matérielles qui font preuves. A fortiori, le sujet psychosé capable de produire des œuvres, d’occuper des emplois, d’interagir avec d’autres, le pourrait également. Ce n’est pas pour autant que ce souvenir est disponible dans une transparence à soi-même.
Le fait de rapporter ce souvenir de son adolescence à celle qui incarne pour lui la loi ne peut que produire le soupçon de la véracité d'un acte passé. C'est le signe qu'il ne cherche pas à sa garantir contre l'angoisse face à la réalité qui représente un danger pour la revendication de la pulsion[70]. La reconnaissance du danger de la réalité s'illustre par exemple, dans le cas de G. Georges, dans le fait que des tentatives de viol furent stoppées dès qu'il risquait d'être surpris. Chez S., l'élan vers les enfants est apporté par le sujet lui-même comme étant un danger, ou tout au moins cette interprétation de son discours par le psychiatre est mise au travail par lui : la pulsion, non la réalité, est dangereuse.
Freud postule l'existence d'un clivage du moi dans toute psychose, puisqu'il existe déjà dans les névroses et les perversions[71]. La demande de soin de S. n'a rien de commun avec le criminel qui peut vivre au quotidien comme s'il ne s'était rien passé : au policier, G. Georges dira qu'après le premier meurtre, il a zappé[72] alors que face au juge, des souvenirs extrêmement précis pourront être livrés. La rupture entre les différentes instances psychiques ainsi que le refoulement sont évités : il sera possible au moi d'éviter la rupture de tel ou tel côté en se déformant lui-même, en acceptant de faire amende de son unité, éventuellement même en se crevassant ou en se morcelant[73].
S., au contraire, utilise une stratégie subjective à l'opposé d'un ne rien vouloir savoir, d’un non-savoir de la culpabilité[74].
Si une étude approfondie des autres affections névrotiques (surtout des psychonévroses narcissiques : les schizophrénies) peut conduire à modifier la formule selon laquelle la psychonévrose est issue d'un conflit entre les revendications de la sexualité et celles du moi[75]et si le comportement du surmoi devrait ... être pris en considération dans toutes les formes de maladie psychique[76], l'on peut penser que l'on a affaire en l'occurrence à un conflit entre les influences distinctes qui se réunissent dans le surmoi, des influences venant du ça aussi bien que du monde extérieur[77], donc à un conflit surmoïque, mais en tant que l’influence venue du monde extérieur n’est pas intériorisée.
Il y aurait en S. un conflit entre les deux sommations du surmoi : d'une part, Ainsi (comme le père) tu dois être, d'autre part, Ainsi (comme le père) tu n'as pas le droit d'être, c'est-à-dire tu n'as pas le droit de faire tout ce qu'il fait[78]. Car, à la différence du maintien séparé des réactions opposées du moi par lequel Freud définit le clivage, la position subjective de S. expose une mise en relation de la revendication pulsionnelle et de son interdit, de l'identification au père jouisseur et de l'identification au père interdicteur, dans sa recherche d'une instance surmoïque extérieure.
On pourrait voir dans le conflit surmoïque présent chez S. un conflit entre l'idéal du moi, versant de l'identification au père, et le surmoi, versant de l'interdiction d'être comme lui. Sauf que l'idéal est le père de la jouissance.
L'expression leur frotter la tête, par laquelle il précise l'un de ses élans principaux, est porteuse d'une grande ambiguïté sexuelle. Elle associe, d'une part, un verbe qui aurait pour objet, dans un contexte de prédation, l’organe sexuel, qu’il s’agisse du sien ou de celui de l’autre, à, d'autre part, un objet dont l’emparement ou tout simplement le contact, dans le rapport habituel adulte-enfant, exprime la tendresse paternelle. Celle-ci est alors placée sous l’égide de la pudeur et d’une transmission corporelle de la filiation, par la reconnaissance que ce geste implique. Ce contact devient dans la condensation formulatoire de S. le lieu d’un contact doté d’excitation, corrélat d'un rapport dominant-dominé dont il serait le maître, ce qui lui est inaccessible dans ses relations sexuelles avec les autres hommes. Lorsqu'il dit vouloir les taper, il affirme plus directement la visée sadique de ce qu’il nomme ses pulsions, dans une expression de cour de récréation, alors qu’il a presque trente ans.
Les coordonnées de la passion profonde de la paternité[79] qui anime le pédophile sont présentes chez S., par exemple dans la modalité sublimée de l'éducateur spécialisé pour enfants, handicapés ou non. Lorsqu'il est questionné sur son père, avec lequel il entretient des relations plus par dépit que par autre chose, il fait suivre immédiatement l'énoncé du prénom de celui-ci du nom d'un personnage animal issu d'une fable de La Fontaine[80], dont le nom est une variation ou un surnom issu du prénom de son père. Cette fable porte justement sur la légitimité sociale et politique de la transmission patrimoniale de père en fils. L'animal auquel son père est affilié est bien loin d'être féroce, il incarne au contraire les idées de douceur, ainsi que le prototype même de la proie du chasseur, voire, l'animal nuisible. Il est aussi, dans le langage argotique, l'image de l'animal reproducteur, telle une variante méprisante du père de la horde originelle.
A la suite de l'énoncé de ce nom de fable, il rit gentiment. Il tourne ainsi en un ridicule attendri le prénom de son père, et plaque immédiatement sur lui un personnage de fiction, version singulière du père de fiction[81] que le pédophile, en tant que père supérieur, s'efforce de supplanter.
Ainsi, d'une part, l'effort de S. visant à créer un rempart concerne un acte qui a des caractéristiques de l'acte pervers, voire du pervers sadique, qui constituent pourtant deux catégories fondamentalement différentes[82].
D'autre part, son père est ravalé au niveau d'un père de fiction pour enfant.
En effet, la formation de l'idéal du moi, d'abord confondu avec le surmoi, est la condition du refoulement[83] de la tendance sexuelle, refoulement qui n’a pas lieu dans la perversion : quand un tel idéal ne s’est pas développé, la tendance sexuelle pénètre telle quelle, comme perversion, dans la personnalité[84]. Il est également ce à quoi se mesure le moi idéal, qui est ce à quoi s’adresse maintenant l’amour de soi dont jouissait dans l’enfance le moi-réel[85], le pervers veut être, comme dans l’enfance, son propre idéal[86].
Si, par sa recherche d'un surmoi externe dans la réalité, S. cherche à produire ce qui n'a pas eu lieu par le refoulement, l'on peut se demander ce qui le distingue d'un sujet pervers, quel est le rapport entre ce qu'il présente de pervers et sa psychose, en somme, la fonction de ses discours et position pervers dans son économie libidinale.
[1]Des types libidinaux, S. Freud, p. 4. [2] Ibid. [3] ...à l'intérieur de la Bejahung, il arrive toutes sortes d'accidents. Rien ne nous indique que le retranchement primitif ait été fait de façon propre...Toujours est-il que c'est avec ce qui reste que le sujet se compose un monde, et surtout, qu'il se situe dedans, c'est-à-dire qu'il s'arrange pour être à peu près ce qu'il a admis qu'il était, un homme quand il se trouve être du sexe masculin, ou une femme inversement, Les Psychoses, J. Lacan, p. 96. [4] Ou angoisse de castration, L'analyse avec et sans fin, S.Freud, 1937, Bayard, 1994, p. 63. [5] Freud évoque dans son article sur l'inconscient le cas d'un symptôme qui consiste, en substitut à l'onanisme, à pressurer le contenu de ses points noirs, selon un mécanisme schizophrénique de formation de symptôme, L'inconscient, 1915, in OC XIII, PUF, 1994, p. 240. [6] ...quand le sujet éprouve un "tort", il se reporte à ce "réflexe" de souci de soi : il hait légitimement ce qui le diminue, Le Préjudice et l'Idéal, pour une clinique sociale du trauma, P.-L. Assoun, Ed. Economica, 2012, p. 111. [7]Psychologie des masses et analyse du moi, 1921, in OC XVI, PUF, 2003, p. 40. [8] Le sens de l'activité relative au stade du miroir est révélateur d'une structure ontologique du monde humain qui s'insère dans nos réflexions sur la connaissance paranoïaque, Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je telle qu'elle nous est révélée dans l'expérience psychanalytique, J. Lacan, 1949, in Ecrits, 1966, p. 94. [9]Quelques types de caractère dégagés par le travail psychanalytique, S. Freud, p. 19. [10]Le Préjudice et l'Idéal, P.-L. Assoun, p. 13. [11] Dostoïevski et la mise à mort du père, S. Freud, 1927, in OC XVIII, PUF, 2006.p. 208. [12]Le malaise dans la culture, S. Freud, 1929, in OC XVIII, PUF, 2006, p. 253. [13] OC XIII, PUF, 1994, p. 182. [14] Ibid., p. 183. [15]Trois essais sur la théorie sexuelle, S. Freud, p. 160. [16] Ibid. [17]L’angoisse, J. Lacan, p. 140. [18]Guy Georges, la traque, P. Tourancheau, p.73. [19] Ibid., p. 240. [20]Pulsions et destins de pulsions, S. Freud, p. 183. [21]La négation, S. Freud, 1925, in OC XVII, PUF, 1992, p. 168. [22] Ibid., p. 169. [23]L'énigme des tueurs en série, Daniel Zagury, Plon, 2008, p. 52. [24]Pulsions et destins de pulsions, S. Freud, p. 183. [25] Ibid., p. 182. [26] Ibid., p. 183. [27] Guy Georges, la traque, P. Tourancheau, p. 285. [28] Ibid., p. 131. [29] Ibid., p. 288. [30]"Les serial killers sont-ils des tueurs sadiques ?", in Revue française de psychanalyse, 2002/4 (Vol.66), p. 1204. [31]Le lieu de l'Autre comme évacué de la jouissance...[est] quelque chose qui, de soi-même, est structuré de l'incidence signifiante. Ceci est très précisément ce qui y introduit ce manque, cette barre, cette béance, ce trou, qui peut se distinguer du titre de l'objet a, D’un Autre à l’autre, J. Lacan, p. 252. [32]Psychanalyse des comportements violents, C. Balier, 1988, PUF, 2014, p. 169. [33] Ibid., p170. [34]Cette distinction entre le sein et la mère comme objet total est faite par Mme Mélanie Klein...Mais ce qui reste éludé, c'est ces deux objets ne sont pas de même nature...La frustration de l'amour et la frustration de la jouissance sont deux choses distinctes. La frustration de l'amour est grosse en elle-même de toutes les relations intersubjectives telles qu'elles pourront se constituer par la suite. La frustration de la jouissance n'est pas du tout grosse de quoi que ce soit, Le Séminaire, Livre IV, La relation d'objet, J. Lacan, 1956-1957, Seuil, 1994, p. 125. [35]Guy Georges, la traque, P. Tourancheau, p. 290. [36]Ibid., p. 288. [37] ...elle nous dit par exemple qu'à l'intérieur de l'empire du corps maternel, le sujet est là avec tous ses frères, sans compter le pénis du père, etc. Vraiment ?, Le Séminaire, Livre I, Les écrits techniques de Freud, J. Lacan, 1853-1954, Seuil, 1975, p. 101. [38]Qu’est-ce que la pédophilie ?, S. André et G. Gosselin, p. 40. [39] Ibid., p. 115. [40]Pour introduire le narcissisme, S. Freud, p. 94. [41]Guy Georges, la traque, P. Tourancheau, p. 261. [42]Pour introduire le narcissisme, S. Freud, p. 96. [43]L'énigme des tueurs en série, D. Zagury, p. 46. [44]La vie s'appauvrit, elle perd de son intérêt dès l'instant où dans les jeux de la vie on n'a pas le droit de risquer la mise suprême, c'est-à-dire la vie elle-même, Actuelles sur la guerre et la mort, S. Freud, 1915, in OC XIII, PUF, 1994, p. 146. [45]Psychanalyse des comportements violents, C. Balier, p. 34. [46]L'énigme des tueurs en série, D. Zagury, p. 46. [47] " Le travail psychanalytique avec le sujet auteur de violence sexuelle ", L’information psychiatrique 2007/1 (Volume 83), p. 14. [48] ...l'interrogation cynique, le défi et la provocation des instances représentant la loi constituent des données constantes dans la vie des pervers, Qu'est-ce que la pédophilie ?, S. André et G. Gosselin, p. 36. [49]Cette loi supérieure qui s'inscrit au coeur de la structure perverse n'est pas, par essence, une loi humaine. C'est une loi naturelle dont le pervers est parfois capable de soutenir et d'argumenter l'existence avec une force de persuasion et une virtuosité dialectique remarquables, ibid., 37. [50]Une seule goutte de foutre éjaculée de ce membre, Eugénie, m'est plus précieuse que les actes les plus sublimes d'une vertu que je méprise, La philosophie dans le boudoir ou Les Instituteurs immoraux, D.A.F. de Sade, 1795, Gallimard, 1976, p. 67. [51] Ecrivain renommé des années soixante-dix, dont l'oeuvre est publiée aux éditons de Minuit. Dans Quand mourut Jonathan, le héros développe une relation, y compris sexuelle, avec Serge, un enfant de moins de dix ans. Une fois l'enfant retourné dans sa famille, il pense que l'enfant l'a désavoué, du fait de s'être alors senti étranger à sa famille. C'est l'occasion pour le héros d'exprimer son inversion des valeurs : Dans un monde de chiens, respecter un enfant c'est donc le pervertir; encourager en lui sa fugitive humanité, c'est le changer en un monstre que les parents, les camarades, l'école ne reconnaîtront plus. La véritable humanité est ainsi du côté de celui qui prend acte du désir sexuel de l'enfant, 1978, p. 131. [52] « « Les nouveaux monstres », plaidoyer pour un traitement raisonné des agresseurs sexuels », ibid. [53] Ed. O. Jacob, 2002, p. 194. [54]Guy Georges, la traque, P. Tourancheau, p. 234. [55] Ibid., p. 327. [56] Ibid., p. 73. [57]Nous verrons bien qui, du livre ou du procès, aura apporté le plus de lumière à ce dossier, Ibid.,p. 361. [58] Ibid., p. 72. [59]Dostoïevski et la mise à mort du père, S. Freud, p. 216. [60]Pour introduire le narcissisme, S. Freud, p. 100. [61]Inhibition, symptôme et angoisse, S. Freud, 1925, in OCXVII, PUF, 1992,p. 208. [62] Ibid., p. 209. [63] Ibid., p. 213. [64]L'inconscient, S. Freud, p. 240. [65] ...qui consiste en ceci que la prise en charge dans le conscient est refusée au tenant-lieu de la représentation de la pulsion, Le refoulement, 1915, in OC XIII, PUF, 1994, p. 193. [66]Inhibition, symptôme et angoisse, S. Freud, p. 212. [67] Cette sympathie est le résultat d'une adaptation aux attentes des autres : Ce que j'ai fait, c'est l'autre côté...L'autre côté, c'est le mystère absolu, dira G. Georges. Durant leur examen [des tueurs en série], on est désemparé devant leur pseudo-normalité et devant l'empathie qui peut s'installer. On est frappé par leur intuition aigüe des attentes de l'autre, à la mesure de leur méconnaissance d'eux-mêmes et de toute capacité introspective. G. Georges avait parfaitement perçu la singularité de chacun des trois experts et servait à chacun ce qui correspondait le plus à sa sensibilité, L'énigme des tueurs en série, D. Zagury, p. 59. [68] Traduit ici par maladie délirante, Abrégé de psychanalyse, S. Freud, 1938, Quadrige PUF, 2012, p. 76. [69]Dans les cas dont vous [futurs juges et défenseurs] vous occupez, il s'agit d'une résistance qui ressortit entièrement du conscient, 1906, Gallimard, 1933, p. 45 et 56. [70] La déchirure dans le moi est un clivage du moi dont le noyau est constitué par le maintien dans le moi des deux réactions, opposées, au conflit entre la revendication de la pulsion et l'objection faite par la réalité, à savoir le déboutement de la réalité, ne rien se laisser interdire, et la reconnaissance du danger de la réalité, sous forme d'un symptôme morbide, Le clivage du moi dans le processus de défense, S. Freud, 1938, in Résultats, idées, problèmes, II, PUF, 2009, p. 284. [71]Le point qui postule dans toutes les psychoses un clivage du moi ne pourrait prétendre à autant d'attention s'il ne s'avérait pertinent dans d'autres états plus proches des névroses...Je m'en suis tout d'abord convaincu dans des cas de fétichisme, Abrégé de psychanalyse, S. Freud, p. 76. [72]G. Georges, la traque, P. Tourancheau, p. 47. [73]Névrose et psychose, S. Freud, p. 286. [74] "L’inconscient du crime. La « criminologie freudienne "", P-L. Assoun, p. 29. [75]Pulsions et destins de pulsions, S. Freud, p. 172. [76]Névrose et psychose, S. Freud, p. 285. [77]Idem. [78]Le moi et le ça, S. Freud, 1923, in OC XVI, PUF, 2003., p. 278. [79]Notre pédophile revendique...sa passion profonde de la paternité au nom de la jouissance en opposition farouche à la paternité légale qui n'est que castratrice, Qu’est-ce que la pédophilie ?, André S. et Gosselin G., p. 87. [80]Le Chat, la Belette et le petit lapin, qui contient le nom devenu celui d'un héros populaire de conte et de spectacle pour enfant. [81] Le père du pervers devient un personnage dérisoire, une pure fiction, le père se voit réduit à n'être qu'une sorte d'acteur de comédie à qui il est demandé de jouer au père, mais sans que ce rôle porte à la moindre conséquence : c'est un père "pour la scène",Qu’est-ce que la pédophilie ?, André S. et Gosselin G, p. 33. [82]Les faits qui sont reprochés à Dutroux n'ont rien à voir avec la signification de la pédophilie, c'est-à-dire avec l'amour électif des enfants... Il est sûrement un criminel, vraisemblablement un psychopathe, et peut-être un pervers sadique, mais certainement pas un pédophile, Ibid., p. 20. [83]Pour introduire le narcissisme, S. Freud, p. 98. [84] Ibid., p. 104. [85] Ibid., p. 98. [86] Ibid., p. 104.
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